À l'ITEP*
*Pour ceux qui ne parlent pas le langage des sigles, ceux qui ne sont pas encore complètement siglés : Institut Thérapeutique Éducatif et Pédagogique. On y accueille ensemble les enfants qu'on ne supporte pas, même séparément, ailleurs...
Je travaille avec des enfants
Des enfants un peu différents
Qui ont m'a-t-on dit que ça s'appelle,
Des troubles du comportement
À l'ITEP c'est pas top :
Ils tapent
Pas patients
Ils insultents, ils crient souvent
Pas contents
Pas contemplatifs
Explosifs
Combattants
Battues en brèche mes théories
Météorites exubérants
Petits loups mordus par la vie
Et qui montrent souvent les dents
On m'a dit : "il faut les cadrer, ces enfants ont besoin de cadre"
J'sais pas bien faire avec les cadres
Mais je sais faire avec les enfants
Oubliant ce qu'on m'avait dit
j'ai essayé d'être autrement
De repartir de l'essentiel, l'eau, la terre, le feu, le vent, les bêtes, les plantes, et puis les mots :
Se cacher, faire des cabanes,
Crapahuter dans les ruisseaux,
allumer un feu,
se perdre en balade,
Inventer des chants,
des histoires
Et faire voler des cerfs-volants
Un arbre pousse dans la cour de l'école
On a tracé sur le bitume
L'ombre de l'arbre avec des craies
Des craies de toutes les couleurs
Et l'ombre est sortie du tracé
avant qu'on ait pu dessiner les feuilles
Maintenant il y a dans la cour
Un beau cadran scolaire
Dans le cadre de mon métier
De mon métier à tisser
Des liens se nouent
Très patiemment
Ann Cairn
74, rue Bellevue
14000 Caen
Poids plume 2015
Poids plume 2015...
En janvier, Mots Nomades a lancé le premier appel à textes Poids Plume. Vers le 21 de janvier, un truc comme ça. Avec le défi d'avoir des livres édités et prêts à circuler pour l'ouverture du Printemps des Poètes, le 7 mars. On n'avait jamais édité. On n'avait aucune idée de ce à quoi on s'engageait. On savait juste qu'il fallait le faire, comme on pousse un cri.
Ça tombe bien, c'était le thème de l'année, pousser des cris.
Voyez plutôt.
On voulait que tout le monde se sente invité dans Poids Plume. Les mômes, les adultes, les ceux qui savent écrire, les ceux qui croient qu'ils ne savent pas, les ceux qui ne savent plus. Et on a reçu en un tout petit mois près de 100 livres poème.
Beaux.
Authentiques.
De la poésie, des bouteilles à la mer, des oeuvres plastiques, des cris (peut-être même des SOS comme disait l'autre jeune, là, qu'a pas eu l'occasion de nous accompagner trop longtemps de sa voix suraiguë.)
{Bon, pas seulement...il y a quand même eu une ou deux maîtresses qui se sont évertuées à trafiquer en toute légalité une poésie en cage pour nous livrer des verbes coupés, tous les mêmes, à la chaîne de petites écritures appliquées et dociles, en essayant de nous faire croire que c'était de la pure. On n'a pas pu tout publier. Un jour, peut-être, on songera à écrire un manifeste Poids Plume pour les maîtres et les maîtresses. Le problème de ceux qui voudraient bien d'un tel livre c'est qu'en réalité, ils n'en ont pas besoin. Et que celles et ceux à qui ce livre pourrait s'adresser ignorent complètement qu'ils en ont besoin. C'est toujours la même difficulté avec ceux qui doutent et ceux qui savent ou croient savoir.
L'autre problème, c'est qu'on n'a pas vraiment envie ni légitimité à se poser en donneurs de conseils. Peut-être, on pourrait seulement indiquer ce que, selon nous, la poésie à l'école n'est pas. Mais écrire ce que c'est, la poésie à l'école...ça...seuls les mômes le savent ou le pressentent, ainsi que les enseignant.e.s qui savent lire et entendre leurs élèves. Un manifeste n'y changerait pas grand chose.
Et puis beaucoup de gens très bien ont déjà écrit des tonnes de choses sur le sujet. Peut-être, parlons de Jean-Pierre Siméon avec "La poésie sauvera le monde", ça c'est pour tout le monde, et puis, du même auteur, pour les maîtres et les maîtresses d'école, voire les enseignants du collège, les parents, "La vitamine P".}
Bref.
En redécouvrant ce texte d'Ann Cairn, je me suis dit qu'il serait sans doute un des premiers livres à poser sur le perron, devant la porte d'un tel manifeste. On m'a dit : "il faut les cadrer, ces enfants ont besoin de cadre". J'sais pas bien faire avec les cadres, mais je sais faire avec les enfants.
Les cadres, et la poésie. La poésie, et la liberté.
Re-bref.
En 2020, Poids Plume réouvre toutes ses archives. Et vous écrit une petite anthologie Poids Plume.
Pas un manifeste. Parce que Poids Plume est le manifeste à lui tout seul. Un bouquet de paroles, un bouquet de livres, une floraison annuelle de créativité, la vôtre. Le petit format par lequel tout auteur, si publié soit-il dans la vraie vie de l'édition, redevient un môme devant une feuille A4 avec devoir de la plier dans le bon sens pour réaliser, Ô, magie, un petit livre qui tient tout seul sans agrafe ni couture ni colle. Et d'écrire dedans. Ils peuvent vous en parler, les auteurs. Même Jean-Pierre Siméon, il l'a écrit, son manuscrit, dans un Poids Plume. Trois fois, même. En multirécidiviste.
Anthologie Poids Plume à paraître, donc, au printemps prochain. Que vous pourrez acheter, cette fois. Au bénéfice de Poids Plume. À la fois pour célébrer les 5 éditions écoulées, et puis pour faire durer l'initiative qui a vraiment, vraiment besoin de fraîche. Éditer et faire circuler 10 000 livres poème par an, si petits soient-ils, ça a un coût. Ça ne se peut pas sans re-remplir la cagnotte à un moment donné. Mots Nomades a déjà fait cadeau de toute la thune qu'elle peut à Poids Plume. Elle ne peut pas donner ce qu'elle n'a pas. Besoin de vous, donc.
Bientôt, une collecte sur Hello asso, pour pourvoir aux frais de l'édition de l'anthologie. Bientôt aussi, une campagne de préachat, et puis d'achat à parution du livre. Et puis chez les passeurs de poèmes, vous trouverez des livres poème des 5 années écoulées, en une brassée colorée plurielle et gratuite, toujours.
L'anthologie, si on s'y met maintenant, et qu'elle doit paraître le 7 mars, ça nous laisse quelque chose comme deux mois pour la faire.
Défi Poids Plume 2020 pour Mots Nomades. (Ça tombe bien, il paraît que le thème de l'année, c'est le courage.)
On va devoir compter sur vous. Encore.