Anthologie de fragments, tome 1
La parole plurielle.
Parfois, elle se collecte dans les murs d'institutions. Où l'on entend des souffles, des bruissements, des cris muets parfois. "Des lézardes dans les murmures", pour emprunter cette très belle tournure à Liliane Antonin, auteur également de cette collection Poids plume 2016. Et puis des verbes cristallins et purs, au hasard d'un coude du torrent tumultueux qui permet ça et là des anses paisibles.
Anthologie de fragments, tome 1 et tome 2, est un recueil de bribes, d'extraits de textes écrits en atelier à l'Hôpital Saint-Antoine, en psychiatrie de jour.
Tout le monde s'est assis à la table pour écrire. Patients, soignants, bibliothécaire, artistes.
Poids plume a découpé dans les textes des fragments d'anthologie. Les voici.
Silences désinvoltes
(...) Et lorsque le sens est en déroute et file
Il le retricote d'un soupir.
Un clin d'oeil pour cette force tranquille
suffit à échapper au pire.
Vous pouvez compter les ennemis par mille
Il les balayera d'un rire.
Michaël
Cérémonie
Au bout de l'escalade vers le lac glaciaire
Il n'y a rien de rien
il n'arrive rien
exceptée
Sa Seigneurie la Carpe
dans toute sa frénétique indolence qui cherche à frayer avec une aile multicolore...
C'est un enfant qui joue avec son cerf-volant (...)
Jean
(...)
Le silence tombe dans le ciel blafard
Il est trop tôt ou peut-être trop tard
Les fantômes de phrases
Dans les bourrasques s'écrasent (...)
Anne-Hélène
Il exprime au vent qui veut le courber
sa colère.
puis il dit aux oiseaux...
Agnès
Apprendra-t-il l'alphabet
Sur les doigts de ma main ?
Comptera-t-il jusqu'à la page 68
Pour comprendre la page du livre ?
M'aimera-t-il ? Jusqu'à combien ?
(...)
Laurence
Parce que je ne comprends pas.
Il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas.
Then I decide to write something else
And only find that I have nothing to write.
Because I have nothing to say
anymore.
anonyme
Il aime ce qui brille, les bijoux mais surtout le collier d'Inès qu'il picore lorsqu'il est sur son épaule.
Philippe
(...)
d'ailleurs, ce sont bien eux, les mots, qui nous distinguent des animaux.
Dotés du langage, nous avons la possibilité de partager, de recevoir, mais aussi d'offrir et de donner.
Et c'est peut-être là que réside pour moi le sens le plus beau de la vie.
Pauline
Flambée de pessimisme
aphorisme exquisément cadavérique*
Répondre au monde avec humour et joie
équivaut à respirer dans un bocal
Rien ne sert de parler sous l'eau
mieux vaut reconvertir ses poumons
* texte écrit en mélangeant de façon aléatoire des fragments de phrases de différents participants. (principe du "cadavre exquis")